« Le voyage est le propre de l’Homme. Nomades et émigrants, pionniers et explorateurs, astronautes et pèlerins, touristes et navetteurs, se font quotidiennement les interprètes de cette expérience […]. Car tout voyage est d’abord un voyage intérieur. »
Claudio Widmann
Un besoin d’Ailleurs…

Le pèlerinage à Compostelle appartient à la tradition chrétienne, mais son renouveau se pose comme une réaction aux dérives de notre société occidentale, individualiste, hyper-technologique et ultra-consumériste.
Cette réaction, au-delà des dogmes religieux et de la défiance qu’ils suscitent, reflète un besoin de s’enraciner dans une tradition et traduit une vivacité des interrogations spirituelles. Elle exprime aussi la nécessité de faire communauté avec d’autres et de s’éprouver dans un rythme plus lent.
Si notre société s’est largement sédentarisée, la mobilité est restée une constante : l’Humanité est partie à la découverte de la planète. Elle a voyagé pour commercer, échanger, conquérir…Le pèlerinage est la forme spirituelle de ce besoin d’Ailleurs.
En nous rendant plus mobiles, les facilités modernes de déplacements rapides ont fait de la marche une pratique de loisir et de bien-être. Le succès de l’itinérance jacquaire en est un exemple : la randonnée prend du sens en s’inscrivant dans une tradition, sur des itinéraires chargés d’une mémoire collective, dans un esprit de rencontre des autres, de quête de soi.
Un héritage à préserver…

Ouvertes comme sentier de randonnée, les anciennes voies de pèlerinage françaises conduisant vers Saint-Jacques de Compostelle bénéficient de deux reconnaissances culturelles internationales :
- L’itinéraire culturel européen, mention attribuée par le Conseil de l’Europe en 1987
- L’inscription sur la Liste du patrimoine mondial par l’UNESCO en 1993 et 1998
Ces reconnaissances impliquent de préserver les valeurs et les significations d’un héritage qui porte toujours témoignage dans la société actuelle. Les chemins de Compostelle véhiculent des valeurs de solidarité, un sentiment d’être ensemble dans une sociabilité partagée, un désir de dépassement pour atteindre ensemble un même objectif. Ils constituent un patrimoine humain et vivant.
Une confrérie, un rendez-vous festif annuel, un territoire qui se mobilise pour ouvrir un chemin, accueillir ou préserver son patrimoine… Saint Jacques et ses chemins restent des évenèments agrégateurs de cohésion et porteurs de liens fraternels, d’emplois, de solidarité ou de bien-être.
Les itinéraires vers Compostelle sont de nos jours un patrimoine porteur de valeurs dans lesquelles puiser pour avancer dans l’existence. C’est aussi un espace d’itinérance douce, de bien-être et de tourisme culturel et spirituel.
Mais une communication argumentée sur des approximations, un formatage en produit de consommation facile et sans efforts, un discours réducteur à la seule dimension randonnée sans son arrière plan historique et artistique, un sentier artificiel sans connexion avec les habitants d’un territoire et leur façon d’être au monde, l’inflation d’itinéraires excitée par l’effet d’aubaine de subventions, une coordination insuffisante des acteurs, la prolifération d’initiatives peu qualitatives, l’amateurisme ou l’esprit de chapelle… peuvent dévoyer un symbole culturel en produit de consommation. Sa perte serait préjudiciable à tous. Chacun d’entre nous, individus, groupes, collectivités informelles ou institutions, associations, hébergeurs, randonneurs, pèlerins, touristes, habitants… nous tous sommes les véritables gardiens de ce patrimoine et de ses valeurs.
Exemples de bonnes pratiques pour la préservation des valeurs des chemins vers Compostelle :
- L’ancienne abbaye de Fontcaude, à Cazedarnes dans l’Hérault, a retrouvé une nouvelle vie. Elle témoigne de l’action obstinée des bénévoles conjuguée au soutien des pouvoirs publics. Elle est un exemple d’un destin qui se réinvente en s’inscrivant sur un itinéraire européen vers Saint-Jacques de Compostelle (sentier GR®787) et grâce à un rendez-vous populaire chaque 25 juillet, fête de saint Jacques.
- Dans le Lot, autour de la Via Podiensis (sentier GR®65), les habitants se mobilisent sur une journée annuelle d’entretien du sentier et de ses abords. Utilité et convivialité cimentent la relation des habitants issus des villages riverains dans l’opération « Mille mains pour le chemin de Saint-Jacques ».