Alors que saint Jacques prêche l’Evangile en Judée, le magicien Hermogène reçoit pour mission de détourner l’apôtre de sa foi. Il dépêche alors auprès du saint l’un de ses jeunes acolytes, Philétus. Mais ce dernier revient converti à la foi chrétienne. Pris de colère, Hermogène le paralyse par magie. Averti de ce méfait, saint Jacques s’empresse de délivrer Philétus grâce à un suaire miraculeux. Hermogène convoque alors une armée de démons, à qui il ordonne de lui ramener Jacques et Philétus. Mais la puissance divine protège l’apôtre. Ce dernier inverse le sort, et c’est Hermogène qui, prisonnier de ses propres démons, comparaît devant Jacques. Le magicien reconnaît alors la supériorité de son adversaire et, muni du bâton que lui a offert l’apôtre afin de le préserver des forces démoniaques, court chercher ses livres de magie afin de les brûler. Puis, devant l’odeur insupportable que répand l’autodafé, Hermogène jette le reste de ses ouvrages à la mer. Cette légende remonte à la fin du IIIe siècle.
Vitrail de la cathédrale Saint-Etienne à Bourges |
Après son exécution, les disciples de saint Jacques placent son corps dans une barque de pierre qui, quelques jours plus tard, guidée par une main divine, échoue sur les côtes galiciennes. Le récit en fut sans doute diffusé dès le milieu du IXe siècle.
Fresque de l'église Notre-Dame du Bourg à Rabastens©jjgelbart_acir |
L’ermite Pélage fut un soir averti par des anges de la présence du tombeau de Jacques le Majeur non loin de son ermitage. Presque simultanément, les fidèles de la toute proche église de San Fiz de Lovio aperçurent une lueur céleste indiquant un lieu précis. L’évêque du diocèse, Théodomir, informé de l’événement, ordonna d’y faire des recherches. C’est là que fut découvert le tombeau, caché sous d’épaisses ronces recouvrant des arches de marbre.
Une nuit, saint Jacques apparaît en songe à Charlemagne. Il demande à l’Empereur de lever une armée et de partir pour la Galice afin de découvrir et de délivrer son tombeau de la domination des Maures. Pour cela, il lui montre un chemin d’étoiles marqué dans le ciel. Ainsi le chemin de saint Jacques devient-il la projection sur terre de la Voie Lactée. Les historiens datent actuellement l’histoire de la campagne de Charlemagne en Espagne des années 1090-1100 et en situent l’origine dans l’école de la cathédrale compostellane.
Mise en scène du songe de Charlemagne à l'aire d'Hastingues |
Dès 711, les Maures envahissent la péninsule Ibérique. Dans le contexte de la Reconquista, l’apôtre Jacques est vénéré comme protecteur des rois et des Espagnols. En 844, le roi asturien Ramire Ier, sur le point d’affronter les Maures à Clavijo, voit en songe saint Jacques qui l’assure de sa protection. Le lendemain, monté sur un destrier étincelant de blancheur, l’apôtre apparaît et donne la victoire aux chrétiens. En remerciement, le roi fait le vœu que tous les Espagnols paieraient désormais un impôt à l’Église de l’apôtre. Le récit de la « bataille de Clavijo » fut inventé vers 1170 par un chanoine compostellan et assura à son Église des revenus réguliers ; la tradition des « vœux de saint Jacques » se poursuit chaque année par l’ « offrande royale » faite le 25 juillet à Compostelle.
Vitrail de l'église Notre-Dame en Vaux à Châlons-en-Champagne©jjgelbart_acir |
Un père et son fils, en route pour Saint-Jacques de Compostelle, font halte à Toulouse pour la nuit. L’hôtelier, cupide, dissimule pendant leur sommeil une coupe d’argent dans leurs bagages, et les accuse de vol le lendemain. Leurs biens sont alors attribués à l’hôtelier, et le fils est pendu. Le père continue néanmoins son pèlerinage, et au retour, passe récupérer le corps de son fils. Or, ce dernier, soutenu par saint Jacques, est toujours vivant. Le pèlerin est alors dépendu et l’hôtelier pendu. Aymeri Picaud, dans le livre V du Codex Calixtinus (XIIe siècle), et Jacques de Voragine, dans sa Légende Dorée (XIIIe siècle), relatent tous deux cette version. Ce n’est qu’au XIVe siècle que le miracle est transféré en Espagne, à Santo Domingo de la Calzada, où la tradition s’est d’ailleurs ancrée. La légende est alors augmentée d’un épisode : après avoir découvert son fils en vie, le pèlerin va avertir le juge, occupé à déjeuner. Ce dernier lui rit au nez, déclarant qu’il veut bien le croire si le coq qui rôtit dans l’âtre se met à chanter. Le miracle se produit. A la fin du XVe siècle, apparaît une variante de la légende primitive, qui remplace l’hôtelier par une servante éconduite piégeant un jeune pèlerin en voyage avec ses parents. En France, c’est ce thème iconographique qui a été préféré.
L’image de l’apôtre, moins répandue que celle du pèlerin, est toutefois très populaire. Sa représentation est celle d’un apôtre parmi les autres, quasi anonyme. Il est représenté dans toutes les séries des douze apôtres et peut être reconnu à ses pieds nus, au livre, au rouleau ou à l’épée de son supplice qu’il tient dans sa main, et parfois à l’inscription qui l’identifie.
A la basilique Saint-Sernin de Toulouse©jjgelbart_acir | Enluminure du Codex Calixtinus |
L’image la plus traditionnelle, qui apparaît au XIIe siècle, est celle du pèlerin. Il est alors représenté vêtu d’un long manteau, d’un chapeau à large bord orné d’une coquille Saint-Jacques (attribut le plus récurrent depuis le XIIe siècle, qui représente l’accomplissement du pèlerinage et récompense l’arrivée à Compostelle), muni d’une panetière (sac pour le pain, les provisions) et d’un bourdon. Le bourdon servait d’arme contre les dangers, de gaule pour le ramassage des fruits, d’appui pendant la marche.
Sur le porche de l'église Notre-Dame de Tramesaygues à Audressein©jjgelbart_acir | Sur un chapiteau |
L’image du guerrier, ou "matamore", se diffuse à partir du XVIe siècle. À quelques exceptions près, elle se limite au monde hispanique : Espagne, Amérique latine, sud de l'Italie, Sicile et Sardaigne, empire germanique. Jeune guerrier chevauchant un coursier blanc, ou vieillard barbu et trapu bien calé sur sa monture, il est représenté l’épée haute, luttant contre les ennemis de la Chrétienté : les Turcs (Ottomans), les hérétiques (protestants) et les païens (dans le Nouveau Monde). Il symbolise le combat que le croyant doit mener pour sa foi.