Vous êtes ici

Les sentiers contemporains vers Compostelle

A l’origine des chemins contemporains…. Un manuscrit

Aussi appelé Liber Sancti Jacobi, le Codex Calixtinus est un manuscrit du XIIe siècle conservé à la bibliothèque du chapitre de la cathédrale de Compostelle. L’ouvrage est divisé en plusieurs livres :
  • Livre I : anthologie de pièces liturgiques et de sermons sur la vie de l’apôtre Jacques
  • Livre II : récit de 22 miracles accomplis par saint Jacques
  • Livre III ou Livre de la Translation : récit de l’évangélisation de l’Espagne, du martyre et de la « translation » (déplacement) du corps de saint Jacques jusqu’en Galice
  • Livre IV ou Pseudo-Turpin : histoire de Charlemagne et de Roland
  • Livre V : signale quatre chemins empruntés par les pèlerins pour aller visiter le corps de Saint-Jacques

    Le livre V, attribué en France au prêtre poitevin Aimery Picaud (auteur d’un simple hymne dans les ajouts au Codex), mais indubitablement dû à l’école compostellane, a connu une renommée sans précédent à partir de sa publication en 1880, puis de sa traduction en français en 1935 sous le titre sensationnaliste de « Guide du pèlerin ». C’est ce dernier livre qui aujourd’hui encore attire toute l’attention, mais qu’il faut considérer avec circonspection.
 

En l’absence de l’imprimerie, la diffusion du Codex Calixtinus fut très faible, et n’étant que très peu copié, il n'eut aucune influence réelle sur les pèlerins. Toutefois, l'intérêt de son livre V n’est pas moindre : il constitue un pittoresque témoignage du quotidien des pèlerins et des voyageurs, et procure de savoureuses observations sur les pays traversés, les mœurs médiévales et les sanctuaires, dues aux maîtres ou écoliers qui le rédigèrent.

 

 « Il y a quatre routes qui, menant à Saint-Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina, en territoire espagnol ; l’une passe par Saint-Gilles, Montpellier, Toulouse et le Somport ; une autre par Notre-Dame du Puy, Sainte-Foy de Conques et Saint-Pierre de Moissac ; une autre traverse Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, Saint-Léonard de Limousin et la ville de Périgueux ; une autre encore passe par Saint-Martin de Tours, Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Jean-d’Angély, Saint-Eutrope de Saintes et la ville de Bordeaux.

La route qui passe par Sainte-Foy, celle qui traverse Saint-Léonard et celle qui passe par Saint-Martin se réunissent à Ostabat et après avoir franchi le col de Cize, elles rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport ; de là un seul chemin conduit à Saint-Jacques. »

(traduit par Jeanne VIELLIARD - Le Guide du pèlerin - Vrin - 1997)


Même si le Codex Calixtinus donne une liste de haltes majeures et indique qu’il existe quatre routes empruntées par les pèlerins vers Compostelle, il ne doit pas être confondu avec un guide au sens contemporain du terme.


Il est d’abord symbolique, les quatre points d’origine évoquant les quatre points cardinaux, et décrit principalement la partie hispanique du chemin, lorsque les pèlerins suivent un seul et même chemin (9 chapitres sur 11). 
Quant aux véritables guides, ils apparaissent avec l’imprimerie (vers 1450). Ils ne comportent alors pas de cartes mais se présentent comme une liste de localités successives. Ils sont appelés « Itinéraire » ou « Routier » d’Avignon, de Bruges…

Le routier d'Avignon ©B. Delhomme

 

Du Codex Calixtinus aux actuels sentiers de randonnée

Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, le livre V du Codex Calixtinus a stimulé l’imagination des historiens. Ils sont partis en quête d'indices pour reconstituer l’écheveau des itinéraires des pèlerins et ont inventorié :

  • les traces de passage : tombes de pèlerins, témoignages écrits, routiers de confréries…
  • le patrimoine jacquaire : lieux dédiés à saint Jacques, statues, vitraux, peintures….


Ils ont vu dans les routes qu'empruntaient les pèlerins de saint Jacques des axes de diffusion de certaines formes d’architecture et d’une littérature d’épopée (la chanson de Roland par exemple).

Ils ont cristallisé une réalité millénaire et mouvante à travers des cartes qui ont servi à tracer les sentiers pédestres d’aujourd’hui.

 

Le développement de la randonnée pédestre à partir des années 1950 a inspiré l’idée de rétablir la tradition médiévale. Dans un monde où la voiture est reine, l’invention du sentier de randonnée a permis de sécuriser le parcours des randonneurs.

A partir de 1970, les itinéraires jacquaires inspirés du « Guide du pèlerin » et tracés sur la base des itinéraires pensés par les historiens ont été cristallisés sous la forme de sentiers de randonnée. Leur tracé, gage de confort et de sécurité, sont des compromis entre l'histoire et la réalité actuelle. Il s’agit d’éviter le goudron, les voitures et les propriétés privées, de tenir compte des capacités d’accueil et de l’intérêt esthétique des lieux.

 

Le foisonnement des itinéraires compostellans et l'éclosion spontanée de chemins a nécessité la mise en place d'une classification des chemins. Pas de chemin secondaire : tous ont leur caractère et leur grandeur.

En France, les itinéraires sont souvent des sentiers de grande randonnée GR® balisés par la Fédération Française de la Randonnée Pédestre.

Certains itinéraires sont tracés et entretenus par des associations sans avoir le label GR® : on les appelle « itinéraires pèlerins ». Parmi eux se trouvent la Via Arverna en Auvergne, la liaison entre Rocamadour et l’itinéraire de Vézelay à travers le Périgord, les « chemins catalans » créés par le Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales, la « voie de la Charente » créée par le Conseil Départemental de la Charente ...

 

En Europe, 305 chemins dits de saint-Jacques sont aujourd’hui diversement aménagés, fréquentés et valorisés.